Processus de développement des lignes directrices

Four young men hanging out
Group of people gathered around a computer
Two young women sitting on a speed bump

Contexte

Les répercussions de la connexion sociale sur la santé

Des décennies de recherches démontrent que la qualité de nos vies sociales est essentielle pour notre santé, notre bonheur et notre bien-être. La connexion sociale est un besoin humain fondamental. En l’absence de liens sociaux significatifs et épanouissants, nous ressentons de la solitude. Tout comme la faim ou la soif, la solitude est la façon dont notre corps nous signale ce dont nous avons besoin. Lorsque ces besoins ne sont pas satisfaits, nous subissons des impacts négatifs sévères sur notre santé mentale et physique. En effet, la solitude et l’isolement social peuvent entraîner du stress, de la dépression et un affaiblissement du système immunitaire. Les études montrent que les effets d’un manque de connexion sociale dépassent souvent les conséquences néfastes de l’obésité, d’une vie sédentaire ou même du tabagisme. Ainsi, bâtir et entretenir des relations sociales solides, à travers des liens proches et des interactions quotidiennes, est essentiel pour améliorer notre bien-être global et notre qualité de vie.

Mécanismes liant la santé sociale, mentale et physique

La relation entre notre santé sociale, mentale et physique est complexe et influencée par de nombreux processus biologiques, psychologiques, sociaux et structurels. Plusieurs de ces mécanismes sont désormais bien documentés :

Premièrement, la solitude et l’isolement social sont des expériences pénibles qui déclenchent la réponse au stress de l’organisme. Avec le temps, les effets physiques du stress provoquent une usure du corps, menant à une détérioration de la santé.

Deuxièmement, en tant qu’êtres sociaux, les humains dépendent les uns des autres pour la régulation émotionnelle et le soutien. Ce soutien permet d’atténuer le stress et de répondre à nos besoins psychologiques fondamentaux. Sans ce soutien social, les individus deviennent plus vulnérables aux problèmes de santé, car ils manquent des ressources nécessaires pour faire face aux tensions qu’ils rencontrent.

Troisièmement, les individus tentent de gérer leur solitude de différentes manières, dont certaines ne sont pas saines. Par exemple, nous pouvons consommer des aliments malsains pour nous réconforter, éviter l’activité physique pour économiser notre énergie, ou consommer de l’alcool pour échapper aux sentiments de solitude.

En outre, de mauvaises connexions sociales résultent souvent d’autres défis de santé et de société, tels que des maladies chroniques ou un handicap, l’insécurité financière, notre environnement (par exemple, le manque de logement, d’espaces publics sûrs ou d’espaces verts accessibles), l’absence d’accès au numérique ou le manque de moyens de transport. Ces conditions contribuent à la solitude en limitant notre capacité à être avec les autres.

Ainsi, les individus confrontés à des défis multiples subissent un cercle vicieux où une mauvaise santé et une déconnexion sociale se renforcent mutuellement. De cette manière, notre santé sociale, mentale et physique est interconnectée. Nous ne pouvons être en bonne santé physique et mentale qu’en menant une vie sociale épanouie.

Impacts sociétaux de la déconnexion sociale

L’isolement social et la solitude, au-delà de leurs effets sur la santé et le bien-être, ont également des répercussions majeures sur notre société. Lorsque les gens manquent de liens sociaux solides, les communautés deviennent moins cohésives.

Des communautés moins cohésives entraînent des liens sociaux affaiblis et un sentiment réduit de confiance et de coopération, à la fois horizontalement (entre individus) et verticalement (entre institutions et individus). Cela peut générer divers résultats négatifs dans une communauté, tels qu’une polarisation accrue, où les gens deviennent plus divisés et moins capables de comprendre des perspectives différentes.

La déconnexion sociale peut également contribuer à la montée de l’extrémisme et de la radicalisation, car les individus isolés peuvent être plus vulnérables aux idéologies nuisibles véhiculées par des groupes radicaux.

À l’inverse, lorsque les communautés encouragent des connexions sociales solides, elles bénéficient d’une plus grande cohésion sociale, ce qui favorise la stabilité sociale, une meilleure collaboration politique et une croissance économique renforcée. Par conséquent, la santé de notre société est étroitement liée à la force des liens entre ses membres.

Efforts de santé publique pour améliorer le bien-être social

Conscients de ces avantages, les efforts existants pour améliorer le bien-être social ont conduit à une série d’initiatives visant à renforcer les connexions sociales, notamment parmi certains groupes comme les personnes âgées socialement isolées.

Dans certains pays, tels que le Royaume-Uni et le Japon, des stratégies nationales ont été développées pour créer des communautés plus inclusives et améliorer les infrastructures sociales. Ces stratégies incluent des campagnes de sensibilisation mettant en lumière l’importance des connexions sociales, des programmes pour réduire l’exclusion numérique chez les personnes âgées, et des initiatives encourageant les interactions sociales chez les seniors et les relations intergénérationnelles.

Des politiques ont également été mises en place pour soutenir des activités renforçant les liens communautaires. Au niveau individuel, des interventions visent à aider les gens à développer les compétences et les ressources nécessaires pour maintenir des relations saines.

Cependant, des défis subsistent pour étendre les programmes réussis à toutes les tranches d’âge, intégrer les initiatives de connexion sociale dans la santé publique, les soins de santé, le bien-être et les services sociaux, répondre aux besoins de populations diversifiées, et garantir un financement et un soutien politique durables.

Pour relever ces défis, des efforts supplémentaires sont nécessaires afin de faire de la connexion sociale une priorité en matière de politique et de pratiques.

Lignes directrices de santé publique pour la connexion sociale

Une stratégie pour donner la priorité à l’importance de la connexion sociale consiste à élaborer des lignes directrices nationales de santé publique sur ce sujet. En effet, des chercheurs ont suggéré que la création de telles directives pourrait rehausser le statut de la connexion sociale en tant que déterminant de la santé, tout comme les directives alimentaires et d’activité physique l’ont fait pour l’alimentation et l’exercice.

Ces directives permettraient de sensibiliser davantage au rôle essentiel que jouent les connexions sociales dans la santé globale, en encourageant des comportements sociaux plus sains et en promouvant un développement social positif. Elles offriraient également des objectifs clairs et mesurables pour la connexion sociale, qui pourraient être utilisés pour adapter les soins et le bien-être, orienter les stratégies de promotion et de prévention en matière de santé, évaluer les programmes, surveiller la santé publique, guider les recherches académiques et contribuer à l’élaboration des politiques.

De plus, ces lignes directrices pourraient stimuler des recherches rigoureuses sur la relation entre connexion sociale et santé, garantissant que les politiques et les programmes s’appuient sur des preuves solides.

En fin de compte, de telles directives soutiendraient la création et la mise en œuvre d’initiatives visant à aider les individus et les communautés à renforcer leurs liens sociaux, ce qui mènerait à de meilleurs résultats en matière de santé et à une société plus cohésive sur le plan social.

Méthodologie

Objectif du projet

L’objectif de ce projet était de développer des lignes directrices en matière de santé publique pour favoriser les liens sociaux, en se basant sur les données disponibles, les perspectives d’experts et les consultations communautaires.

Conception du projet

Pour atteindre cet objectif, le projet a adopté une approche en plusieurs étapes afin d’élaborer des lignes directrices en matière de santé publique sur les liens sociaux. Cette démarche a intégré des techniques de recherche qualitatives et quantitatives pour garantir une évaluation rigoureuse des recommandations.

L’élément central de ce projet était une étude Delphi, qui consiste en des séries itératives de sondages et de retours d’information provenant d’un panel mondial d’experts en liens sociaux. Cette méthode permet de formuler systématiquement des recommandations en matière de santé publique.

Cette approche a été enrichie par une série d’entrevues en groupes de discussion auprès de populations clés, des examens des données existantes, et des sondages rapides conçus pour fournir des données empiriques et évaluer de manière préliminaire la faisabilité et l’acceptabilité des lignes directrices proposées. En combinant ces méthodes, nous avons pu recueillir et intégrer des points de vue et des perspectives variés.

Vous trouverez ci-dessous une description plus détaillée de chacun des éléments mentionnés ci-dessus :

Étude Delphi

Recrutement des participants

Nous avons recruté des experts-conseils en utilisant plusieurs méthodes. Premièrement, nous avons contacté directement des auteurs fréquemment cités dans les domaines de la solitude, de l’isolement et des liens sociaux, en utilisant les adresses courriel des auteurs correspondants. Deuxièmement, nous avons distribué des invitations par l’intermédiaire des listes de diffusion de sociétés professionnelles. Troisièmement, nous avons utilisé un échantillonnage en boule de neige, en encourageant les participants à nommer des collègues ou à transmettre notre courriel d’invitation à d’autres personnes dans leurs réseaux.

Au total, nous avons envoyé entre 500 et 700 invitations directes. De plus, notre invitation a été partagée via quatre listes de diffusion associées à des organisations professionnelles et réseaux influents en psychologie sociale. Bien que nous ne puissions pas quantifier précisément le nombre de participants rejoints par le biais de la méthode de référence en chaîne, cette approche nous a permis d’élargir considérablement notre portée de recrutement.

Tour 1 (n = 94)

Lors de la première phase, nous avons utilisé des questions ouvertes pour recueillir des idées initiales sur plusieurs domaines clés : (a) les principes fondamentaux pour élaborer et mettre en œuvre des directives de santé publique favorisant la connexion sociale, (b) des directives potentielles adaptées aux individus, (c) des directives potentielles destinées à des entités collectives telles que les organisations, les communautés et les gouvernements, et (d) les facteurs qui influencent la connexion sociale et le bien-être. Les réponses à ces questions ouvertes ont été analysées de manière thématique, ce qui nous a permis d’identifier et de synthétiser les concepts clés dans chaque domaine, lesquels ont ensuite servi à élaborer et à catégoriser des directives potentielles pour la phase suivante.

Tour 2 (n = 84)

Lors de la deuxième phase, nous avons présenté les résultats des analyses thématiques sous forme d'énoncés que les participants ont été invités à évaluer selon trois axes : (a) leur niveau d’accord avec les principes directeurs pour l’élaboration des directives (sur une échelle allant de "Tout à fait d’accord" à "Pas du tout d’accord"), (b) l’importance de chaque directive (de "Absolument essentielle" à "Ne devrait PAS être incluse"), et (c) la pertinence de chaque facteur lié à la connexion sociale (de "Extrêmement important" à "Pas du tout important"). Les participants ont également eu la possibilité de fournir des commentaires supplémentaires dans chaque section à travers des réponses ouvertes. Des statistiques descriptives ont été utilisées pour quantifier les niveaux de soutien, et une analyse thématique a été appliquée pour interpréter les réponses textuelles. Ces données ont permis de développer une première version préliminaire composée de 12 directives.

Tour 3 (n = 82)

Lors de la troisième phase, nous avons présenté aux participants une version préliminaire des directives, élaborée à partir des résultats de la phase 2. Pour chaque directive, les participants ont été invités à évaluer leur niveau d’expertise sur le sujet (de "Élevé" à "Aucun"), à indiquer s’ils soutenaient l’inclusion de la directive ("Oui", "Non", "Je préfère ne pas voter"), et à fournir des commentaires. Nous avons établi des critères spécifiques pour l’approbation des directives : un soutien d’au moins 80 % parmi ceux ayant voté "Oui" ou "Non", 75 % d’approbation de la part de l’ensemble des participants (y compris ceux ayant choisi de ne pas voter), et 85 % d’approbation parmi ceux déclarant une expertise "Élevée" dans le domaine concerné. Bien que le seuil de 80 % soit une norme courante dans les études Delphi, nous avons appliqué des critères plus stricts (75 % de tous les participants et 85 % des experts) pour garantir que les directives soient fortement soutenues, notamment par les participants les plus compétents dans les domaines pertinents.

Tour 4 (n = 35)

Lors de la quatrième phase, nous avons organisé une série d’entretiens en groupes de discussion afin d’affiner le libellé des directives. Bien que celles-ci aient déjà obtenu un consensus lors de la phase 3, notre objectif était de veiller à ce qu’elles soient communiquées de manière efficace auprès du grand public tout en restant fidèles à leur intention initiale. Au cours de ce processus, les directives ont été révisées de manière itérative, avec un total de sept modifications apportées entre les différentes sessions de discussion. Les directives finales, ainsi que les considérations qui les accompagnent, ont été soigneusement examinées et approuvées par notre équipe de recherche interne.

L’annexe 1 contient un rapport détaillé des résultats de l’étude Delphi.

Activités de recherche complémentaires

En complément de l’étude Delphi décrite ci-dessus, nous avons mené plusieurs activités de recherche complémentaires pour éclairer le développement de nos directives. Ces activités comprenaient : (1) des revues rapides de la littérature, (2) des entretiens en groupes de discussion ciblant des populations clés, et (3) des enquêtes quantitatives évaluant l’acceptabilité et la faisabilité préliminaires des directives.

Revues rapides de la littérature

La première initiative a été le développement d'une série de notes de synthèse visant à éclairer notre compréhension des données probantes liées aux lignes directrices que nous avons élaborées. Au total, 49 notes de synthèse ont été produites, synthétisant les connaissances issues de la littérature publiée ainsi que des analyses quantitatives et qualitatives pertinentes tirées de l'Étude canadienne sur la connexion sociale, une enquête transversale sérielle annuelle comprenant une sous-cohorte longitudinale. Ces analyses ont exploré des hypothèses clés (par exemple, examiner la relation empirique entre le nombre d'amis et divers indicateurs de bien-être mental et social) afin d'approfondir notre compréhension du paysage global des données probantes.

Il est important de préciser la nature et l'objectif de ces revues de la littérature. En raison de l'ampleur et de la diversité immenses de la littérature, combinées aux défis méthodologiques inhérents aux études individuelles, il n'était pas envisageable de développer des lignes directrices reposant uniquement sur des recherches empiriques. Au contraire, comme décrit ci-dessus, le processus d'élaboration des lignes directrices s'est principalement appuyé sur des consultations avec des experts reconnus en utilisant une approche Delphi. Les notes de synthèse ont joué un rôle de soutien dans ce processus en aidant à contextualiser les avis des experts et à identifier les thèmes et idées majeurs pertinents pour les lignes directrices. Cependant, tous les sujets abordés dans les notes de synthèse n'ont pas été intégrés dans les douze lignes directrices finales. Par exemple, bien que des notes de synthèse aient traité de sujets tels que le rôle des animaux de compagnie dans la connexion sociale ou la taille optimale des rassemblements sociaux, ces questions ont été jugées prioritaires à un niveau moindre et n'ont pas été directement reflétées dans les lignes directrices.

Les notes de synthèse n'étaient pas des revues systématiques formelles telles que celles généralement publiées dans des revues universitaires. Elles ont plutôt été conçues comme des rapports vulgarisés destinés à informer les délibérations internes au cours du processus d'élaboration des lignes directrices et, par la suite, à servir de ressource pour les publics non spécialisés intéressés. Ces revues n'ont pas suivi une stratégie systématique ni inclus d'évaluations formelles de la qualité ou de critères stricts d'inclusion et d'exclusion. Leur objectif était de fournir une compréhension large de ce qui est connu et de mettre en lumière les principales problématiques autour de chaque sujet, plutôt que de produire une synthèse définitive de la littérature empirique.

Compte tenu de la nature informelle de ces revues, nous ne présentons pas de méthodologie détaillée qui pourrait suggérer qu'elles sont équivalentes à des revues systématiques. Au lieu de cela, les notes de synthèse servent de résumés accessibles pour informer à la fois le processus interne et les publics externes. Bien que ces notes apportent des connaissances précieuses, nous espérons que de futurs chercheurs entreprendront des revues systématiques sur ces sujets afin de construire une compréhension plus définitive des données probantes. En effet, nous reconnaissons l'utilité des revues systématiques, bien qu'elles concluent souvent par un appel à de nouvelles recherches—un sentiment qui concorde avec nos propres conclusions et met en évidence la nécessité de poursuivre l'exploration dans ce domaine.

Entretiens en groupes de discussion avec des populations clés

Nous avons également mené des entretiens en groupes de discussion auprès de personnes d'âges divers issues de cinq populations clés :

  1. Les personnes bispirituelles, lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queer, intersexes, asexuelles et autres minorités sexuelles et de genre ;
  2. Les personnes racisées ;
  3. Les peuples autochtones ;
  4. Les personnes en situation de handicap ;
  5. Les migrants, immigrants et réfugiés.

Ces communautés ont été sélectionnées en reconnaissance des défis distincts auxquels leurs membres peuvent parfois être confrontés dans leur quête d’équité et d’inclusion.

Lors des entretiens en groupes de discussion, les participants ont été invités à examiner les directives telles qu’elles avaient été élaborées après la phase 3. Il s’agissait des mêmes directives qui avaient été présentées aux experts lors de la troisième phase de l’étude Delphi. En présentant ces directives à ces groupes, nous souhaitions évaluer leur faisabilité et leur acceptabilité perçues, ainsi que comprendre comment les expériences vécues uniques des individus issus de ces communautés pouvaient influencer leur interprétation des directives et leur capacité à s’y conformer.

Ces groupes de discussion ont été réalisés entre les phases 3 et 4 du processus de développement des directives. Les considérations issues de ces discussions ont été intégrées aux côtés des retours des experts recueillis lors de la phase 4.

L’Annexe 2 contient un rapport détaillé des résultats des entretiens en groupes de discussion avec les populations clés.

Enquêtes quantitatives évaluant l'acceptabilité et la faisabilité des lignes directrices

Enfin, nous avons utilisé un sondage en ligne pour obtenir un aperçu préliminaire de la faisabilité et de l'acceptabilité des lignes directrices que nous avons élaborées auprès de la population générale. Les participants au sondage en ligne ont été principalement recrutés par le biais de publicités payantes sur Facebook et Instagram. Les questions relatives aux lignes directrices ont été administrées à un sous-ensemble de participants. Ces questions évaluaient si les participants (1) reconnaissaient l'importance de la connexion sociale pour la santé ; (2) étaient d'accord pour dire que les lignes directrices étaient (a) réalisables pour une personne moyenne, (b) réalisables pour eux personnellement, (c) importantes pour mener une vie sociale saine, (d) s'ils vivaient actuellement conformément à la ligne directrice, (e) s'ils croyaient que la ligne directrice serait bénéfique pour ceux qui la suivraient, et (f) si la ligne directrice était déjà largement connue. De plus, les participants pouvaient fournir des réactions en texte libre à ces lignes directrices.

Les résultats de nos enquêtes sont détaillés dans l'Annexe 3.

Évaluation des lignes directrices développées

Après avoir terminé chaque composant de l'étude décrit ci-dessus, nous avons entrepris un exercice de notation pour évaluer systématiquement la force de chaque ligne directrice et la qualité des preuves la soutenant. En raison du sujet, de l'étendue de nos lignes directrices sur la connexion sociale et de la nature des preuves de soutien sur lesquelles ces lignes directrices sont basées, nous avons décidé qu'une approche formelle de l'Évaluation des Recommandations, du Développement et de l'Évaluation des Lignes Directrices (GRADE) n'était pas faisable. Ainsi, notre approche de notation s'inspire du processus GRADE, mais a été adaptée pour répondre aux besoins spécifiques de ce projet. Ce faisant, notre approche a fourni un cadre structuré pour évaluer l'équilibre des avantages et des risques, des valeurs et des préférences, de la faisabilité, ainsi que la certitude globale des recommandations.

Collecte et synthèse des preuves

Les preuves utilisées pour l'évaluation de la notation ont été tirées de l'étude Delphi, des revues de preuves, des entretiens de groupes de discussion avec des populations clés et des enquêtes quantitatives. Cette approche à sources multiples a permis de garantir que les lignes directrices étaient basées sur une base de preuves complète et solide, intégrant à la fois le consensus des experts et les données empiriques.

Critères d'évaluation

Chaque ligne directrice a été évaluée selon cinq domaines clés :

  1. La solidité de la base de recherche soutenant la ligne directrice, en mettant l'accent sur la cohérence, la généralisabilité et la rigueur des études examinées.
  2. Une évaluation des avantages de suivre la ligne directrice par rapport aux risques ou dommages potentiels, en prenant en compte d'éventuelles conséquences non intentionnelles.
  3. L'alignement de la ligne directrice avec les valeurs et préférences de la communauté ou population cible, en veillant à ce que les recommandations soient culturellement sensibles et largement acceptées.
  4. La faisabilité de la mise en œuvre de la ligne directrice dans des contextes réels, en tenant compte de la disponibilité des ressources, de l'infrastructure existante et des obstacles potentiels à son adoption.
  5. La confiance globale dans la recommandation, basée sur la qualité des preuves, la force du consensus et l'impact attendu.
Processus de notation

Le processus d'évaluation a impliqué la synthèse des preuves et l'application des critères pour évaluer la solidité de la recommandation de chaque ligne directrice ainsi que la qualité des preuves la soutenant.

Force de la recommandation

La force d'une recommandation reflète le degré de confiance que les avantages de suivre la ligne directrice l'emportent sur les éventuels dommages ou risques. Lors de la détermination de la force de chaque ligne directrice, plusieurs facteurs ont été pris en compte, notamment l'équilibre entre les avantages et les risques, l'alignement avec les valeurs et les préférences de la population ou de la communauté cible, ainsi que la faisabilité de sa mise en œuvre dans des contextes réels.

Voici une description détaillée des critères utilisés pour classer chaque ligne directrice dans l'un des trois niveaux de recommandation : Fort, Modéré ou Conditionnel.

  • Recommandation forte : Les avantages de suivre la ligne directrice l'emportent clairement sur les risques ou dommages potentiels. Il y a un fort alignement avec les valeurs et les préférences de la population ou de la communauté cible, et la ligne directrice est hautement faisable à mettre en œuvre dans des contextes réels. Cette recommandation est fortement encouragée pour la mise en œuvre.
  • Recommandation modérée : Les avantages de suivre la ligne directrice l'emportent généralement sur les risques ou dommages potentiels, bien que l'équilibre puisse être moins clair. La ligne directrice est bien alignée avec les valeurs et les préférences de la population ou de la communauté cible, mais il peut y avoir des défis en termes de faisabilité. Cette recommandation est encouragée, mais certains facteurs contextuels doivent être pris en compte.
  • Recommandation conditionnelle : Les avantages de suivre la ligne directrice peuvent être comparables aux risques ou dommages potentiels, avec une variabilité significative en fonction du contexte. La ligne directrice peut s'aligner avec les valeurs et préférences de certains, mais pas de toutes les populations ou communautés cibles, et sa faisabilité peut être limitée par des contraintes de ressources ou d'autres obstacles. Cette recommandation doit être appliquée avec prudence, et des recherches supplémentaires ou des adaptations peuvent être nécessaires.

Cette classification aide les parties prenantes à comprendre le niveau d'urgence et de priorité qui devrait être accordé à chaque ligne directrice lors de la mise en œuvre des stratégies de santé publique pour la connexion sociale.

Qualité des preuves

La qualité des preuves indique le degré de confiance dans les résultats de recherche qui soutiennent une ligne directrice particulière. Elle reflète la robustesse, la cohérence et l'applicabilité de la base de preuves, ainsi que la probabilité que les recherches futures modifient les conclusions.

Ci-dessous, nous décrivons les critères utilisés pour évaluer la qualité des preuves, les catégorisant en quatre niveaux : Élevée, Modérée, Faible et Très faible.

  • Qualité élevée : La base de preuves est robuste, avec des résultats cohérents provenant de multiples études de haute qualité (par exemple, des revues systématiques, des méta-analyses, des études de cohorte bien menées) directement applicables au contexte de la ligne directrice. Les résultats sont peu susceptibles d’être modifiés de manière significative par des recherches futures.
  • Qualité modérée : La base de preuves est solide, mais il peut y avoir quelques incohérences ou limitations dans les études disponibles. Les résultats sont généralement applicables au contexte de la ligne directrice, mais il existe une certaine incertitude en raison de la variabilité du design des études, des populations ou des résultats. Les recherches futures peuvent influencer la confiance dans les résultats.
  • Qualité faible : La base de preuves est limitée ou incohérente, avec une variabilité significative dans les résultats des études ou une pertinence faible pour le contexte de la ligne directrice. Les résultats sont très incertains, et les recherches futures auront probablement un impact important sur la confiance dans les conclusions.
  • Qualité très faible : La base de preuves est insuffisante, avec peu ou pas de recherches pertinentes disponibles, ou les études existantes sont de mauvaise qualité et offrent peu de directives. Les résultats sont très incertains, et des recherches supplémentaires sont essentielles pour tirer des conclusions significatives.

Cette catégorisation permet de comprendre clairement à quel point il est possible de faire confiance aux preuves sous-jacentes à chaque ligne directrice, ce qui, à son tour, informe les processus de prise de décision liés aux interventions de santé publique et au développement de politiques.

Travaux futurs

Les lignes directrices sont un point de départ, pas une ligne d'arrivée

Le développement et la mise en œuvre de lignes directrices en santé publique pour la connexion sociale représentent une étape capitale pour répondre aux niveaux profonds de solitude, d'isolement social et de déconnexion vécus par des personnes à travers le monde. Cependant, nous reconnaissons que les lignes directrices présentées dans ce rapport ne sont qu'un point de départ. Nos lignes directrices recommandées ont pour objectif de motiver et de soutenir des comportements, des politiques et des pratiques qui amélioreront la connexion sociale. Nous reconnaissons que les lignes directrices seules ne résoudront pas la crise de la connexion sociale. En particulier, les lignes directrices sont principalement un outil de prévention et leur efficacité pour les personnes déjà seules ou isolées peut être limitée.

Reconnaître le besoin de recherches supplémentaires de haute qualité

En considérant les preuves soutenant nos lignes directrices suggérées, nous reconnaissons la forte dépendance à des données observationnelles limitées et de qualité variable. Bien que fondées sur une revue exhaustive de la littérature disponible et sur les consultations avec plus de 100 experts mondiaux et membres du public issus de diverses communautés, il y aura inévitablement des opportunités pour recueillir des données observationnelles de haute qualité afin d'améliorer et d'affiner les lignes directrices potentielles.

De plus, nous sommes conscients que de nombreux échantillons d'études existantes excluent des populations clés et peuvent ne pas être généralisables à tous les individus et communautés. Ainsi, et tout comme pour toutes les autres lignes directrices de santé publique établies, cette première itération sera indéniablement améliorée par des recherches futures portant sur des populations plus diversifiées. Nous espérons que les lignes directrices pourront catalyser davantage de recherches appliquées en sciences de la santé et des sciences sociales.

Reconnaître les limitations inhérentes à la recherche

En reconnaissant les lacunes des études existantes utilisées pour informer nos lignes directrices, il est également important de noter qu’il serait inapproprié de juger nos lignes directrices selon les normes actuelles utilisées dans d'autres processus de développement de lignes directrices. En effet, bien que les essais contrôlés randomisés (ECR) puissent être bien adaptés pour aborder des recherches liées à l'exercice et à la nutrition, il est relativement difficile de randomiser des individus selon un mode de vie social particulier (par exemple, en fonction du temps qu'ils passent à socialiser ou du nombre d'amis qu'ils ont). Certains ECR existent certainement, mais ils sont souvent limités en portée et il est difficile de savoir si les conditions expérimentales et réelles sont suffisamment similaires. La principale source de données fiables proviendrait donc des études observationnelles et d'autres approches méthodologiques et formes d'analyse.

Études longitudinales et réplication

Compte tenu de la difficulté de la recherche dans les sciences de la santé et sociales appliquées, il est particulièrement important d'investir dans des études observationnelles longitudinales qui peuvent mieux isoler les effets de la connexion sociale sur la santé ; cela est crucial pour dissocier ces effets des caractéristiques individuelles. Les études de réplication sont également d'une importance capitale pour s'assurer que les résultats d'une étude sont généralisables. Avec des investissements suffisants, nous serons en mesure d’augmenter la spécificité des lignes directrices de santé publique pour la connexion sociale et de fournir une plus grande confiance dans les lignes directrices développées.

L'importance d'étudier les différences individuelles et de groupe

Une autre question importante à considérer en ce qui concerne la qualité des preuves soutenant nos lignes directrices est de savoir s'il existe des caractéristiques importantes qui pourraient justifier des lignes directrices spécifiques à différents groupes démographiques ou autrement définis. En effet, il demeure plausible que les individus bénéficient différemment des lignes directrices que nous avons fournies. Cependant, en attirant l'attention sur la valeur potentielle de telles analyses, nous pensons également qu'il est important que les chercheurs prêtent une attention particulière non seulement à la signification statistique de leurs résultats, mais aussi à la taille des effets et à la signification des différences potentielles entre groupes. Les approches qualitatives peuvent également être utilisées pour comprendre l'importance relative des différents contributeurs au bien-être social.

L'importance d'évaluer les interventions

En plus des investissements dans la recherche observationnelle, il est également nécessaire de réaliser des études visant à évaluer l'efficacité des approches en santé publique et en médecine pour améliorer la connexion sociale. Des recherches sont nécessaires pour démontrer qu'un changement dans le comportement social est réalisable et clairement bénéfique. De telles études peuvent aider à améliorer la spécificité des lignes directrices ainsi qu'à identifier des sous-groupes potentiels qui pourraient nécessiter des orientations personnalisées.

Le besoin de cadres de recherche et de normes

Pour soutenir les recherches futures, il peut également être utile de développer des outils et des mesures précis qui capturent les principaux concepts pertinents pour les lignes directrices, y compris les mesures de conformité. De tels outils peuvent aider à systématiser la mesure et la surveillance, permettant ainsi une meilleure comparabilité entre les études et les contextes de mise en œuvre. Cette comparabilité pourrait éventuellement permettre des méta-analyses qui pourraient former la base des futures lignes directrices.

Amélioration continue des lignes directrices

Avec les progrès scientifiques décrits ci-dessus, nous espérons non seulement pouvoir affiner les lignes directrices spécifiques, mais aussi commencer à comprendre les contributions relatives de ces lignes directrices au bien-être social à l'échelle individuelle et communautaire.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier tous les participants qui ont contribué au processus de développement de nos lignes directrices recommandées, y compris (a) les experts internationaux ayant participé à notre étude Delphi, (b) ceux qui ont contribué à des résumés de preuves pour notre examen, et (c) les membres de la communauté ayant participé à nos groupes de discussion et enquêtes auprès des populations clés.

Financement

Ce projet a été financé par une subvention de projet des Instituts de recherche en santé du Canada. Le Dr Kiffer G. Card a reçu un soutien salarial grâce à une bourse Michael Smith Health Research BC Scholar, ce qui lui a permis de réaliser ce travail. Nous remercions les bailleurs de fonds pour leur généreux soutien.