Note de synthèse
Les médicaments peuvent-ils être utilisés pour résoudre la solitude ?
June 18, 2024
Kiffer Card
Note : Le résumé ci-dessous est basé sur un article original publié en anglais.
La solitude est un problème majeur de santé publique, associé à une détérioration de la santé physique et mentale ainsi qu’à une mortalité prématurée. Bien que des interventions non médicales aient été développées pour réduire la solitude, elles offrent souvent des bénéfices limités à court terme ou nécessitent des ressources importantes. Cette revue explore l’éventualité d’utiliser des médicaments sur ordonnance pour réduire la solitude, en se basant sur des recherches montrant que des mécanismes biologiques peuvent influencer et perpétuer cet état.
Des études montrent que la solitude active des mécanismes physiologiques tels que le stress chronique, qui peut engendrer une hypersensibilité sociale et un isolement accru, formant ainsi un cercle vicieux. Certaines approches pharmacologiques pourraient potentiellement interrompre ce cycle en ciblant les processus biologiques sous-jacents. Par exemple, des antidépresseurs comme les ISRS (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine), des neurostéroïdes comme l’allopregnanolone, et l’ocytocine (hormone impliquée dans les liens sociaux) ont été proposés pour réduire l’anxiété, restaurer l’homéostasie du stress ou favoriser les liens sociaux. Par ailleurs, des recherches émergentes sur l’utilisation de psychédéliques, comme le MDMA, montrent un potentiel pour rouvrir des « périodes critiques » de développement social et améliorer les capacités relationnelles à l’âge adulte.
Cependant, les données soutenant ces approches restent limitées et reposent principalement sur des études précliniques ou observationnelles. De plus, certaines interventions, comme l’administration d’ocytocine, peuvent produire des effets inattendus, tels que l’agressivité envers des groupes extérieurs. De même, les médicaments souvent prescrits pour traiter la dépression et l’anxiété, bien qu’efficaces pour certains symptômes, sont parfois associés à une augmentation de la solitude.
Un autre rôle potentiel des médicaments est de traiter les comorbidités physiques ou mentales qui limitent la participation sociale, comme la perte auditive, la mobilité réduite ou l’inflammation chronique. Des analyses issues de l’Enquête canadienne sur les liens sociaux montrent que la réduction des limitations liées à des conditions comme la dépression ou l’anxiété est associée à une diminution de la solitude. Cependant, ces bénéfices dépendent de l’efficacité des traitements pour surmonter ces obstacles.
Bien que prometteur, l’usage de médicaments pour traiter la solitude présente des limites. Les causes de la solitude étant principalement sociales et environnementales, toute intervention médicale doit être accompagnée de stratégies visant à renforcer les liens sociaux et à répondre aux besoins relationnels non satisfaits. Par ailleurs, le risque de sur-prescription, notamment d’opioïdes ou de benzodiazépines chez les personnes solitaires, souligne l’importance d’une approche prudente et intégrée.
En conclusion, bien que les médicaments sur ordonnance puissent potentiellement jouer un rôle dans la réduction de la solitude en traitant certains facteurs contributifs, les preuves actuelles sont insuffisantes pour les recommander comme solution principale. Les recherches futures devront évaluer rigoureusement ces approches et leur capacité à interrompre les cycles biologiques et comportementaux qui entretiennent la solitude. En attendant, les interventions doivent s’appuyer sur des lignes directrices cliniques établies et privilégier des solutions holistiques axées sur le soutien social et l’engagement communautaire.