Note de synthèse

Quel rôle joue « le soi » dans la solitude?

May 9, 2023
Kiffer Card

Note : Le résumé ci-dessous est basé sur un article original publié en anglais.

On peut ressentir de la solitude dans une pièce bondée ou se sentir connecté tout en étant seul, ce qui illustre la nature subjective de la solitude. Bien que le nombre de contacts sociaux soit faiblement corrélé à l’expérience de la solitude, les traits liés au « soi » pourraient expliquer pourquoi cette expérience reste relativement stable au cours de la vie. Le « soi », qui englobe des notions comme l’identité personnelle, l’estime de soi et l’efficacité personnelle, joue un rôle clé dans nos interactions sociales. Cette revue examine les liens entre le « soi » et la solitude, en mettant en évidence divers mécanismes théoriques et empiriques.

Les théories, telles que la théorie de l'attachement et celle du sociomètre, suggèrent que l’estime de soi et la solitude sont liées à des mécanismes de régulation sociale. Par exemple, une faible estime de soi peut inciter à se retirer socialement par peur du rejet, limitant ainsi les opportunités de soutien social. Par ailleurs, les perceptions négatives de soi peuvent engendrer des cognitions sociales biaisées, réduisant l'ouverture personnelle et la capacité à établir des relations significatives. Une faible efficacité personnelle ou un locus de contrôle externe peut également nuire à la motivation nécessaire pour satisfaire ses besoins sociaux, tandis qu’une orientation individualiste ou collectiviste influence la manière dont les gens abordent leurs relations.

Empiriquement, des études montrent que les dimensions du « soi » sont fortement liées à la solitude. Une faible estime de soi et des perceptions négatives du corps ou des compétences sociales, par exemple, peuvent exacerber les sentiments de déconnexion. En revanche, des traits comme un fort locus de contrôle interne et une efficacité sociale élevée favorisent une meilleure régulation des relations sociales et réduisent la solitude. De plus, des comportements tels que la recherche de validation ou l'anticipation de rejets sociaux peuvent renforcer le lien entre un soi négatif et l'isolement social.

Les analyses issues de l’Enquête canadienne sur les connexions sociales (2022) confirment ces observations. Les résultats montrent que des mesures du concept de soi, en particulier l'estime de soi, rivalisent ou surpassent les indicateurs de connexion sociale (par ex., temps passé avec des amis) pour prédire la solitude. Les modèles incluant uniquement des variables liées au concept de soi expliquaient une plus grande part de la variation des scores de solitude (R² = 0,27) par rapport aux modèles centrés sur les indicateurs de connexion sociale (R² = 0,16). Parmi les facteurs prédictifs les plus importants, l'estime de soi se distingue comme étant particulièrement influente, suivie par l’efficacité sociale et le temps passé avec des amis.

Ces résultats soulignent que les interventions contre la solitude devraient non seulement promouvoir les connexions sociales, mais aussi cibler les cognitions et les perceptions négatives liées au soi. Des approches centrées sur le renforcement de l’estime de soi, l’amélioration du locus de contrôle interne et le développement de l’efficacité personnelle peuvent être bénéfiques. Par ailleurs, des initiatives favorisant le soutien social, l’altruisme et la compassion envers soi-même pourraient contribuer à atténuer les impacts d’un soi négatif sur les relations sociales.

En conclusion, le développement d’un soi sain est essentiel pour réduire la solitude. Les interventions devraient combiner des approches centrées sur l’individu et des initiatives à l’échelle communautaire visant à améliorer les perceptions de soi et à renforcer les relations sociales. Des efforts spécifiques pour les populations marginalisées, comme les victimes de discrimination ou d'abus, sont particulièrement nécessaires pour surmonter les inégalités structurelles et sociales. Enfin, une recherche continue est essentielle pour mieux comprendre comment le « soi » modère et médiatise les expériences de solitude et de déconnexion sociale.